Le monde des grands végétaux : vivre ensemble
Quel apparente confusion dans la forêt quand on oublie les chemins !
Livré à l’espace forestier, le seul point de repère assuré est le soleil dont les rayons permettent de s’orienter.
Est-ce pour autant la jungle anarchique ou un entassement digne d’un Babel végétal ? Dépassons cette première impression pour découvrir une organisation qui est tout le contraire d’un bazar.
Une végétation organisée
La complexité est une réalité de la forêt qui provient du besoin des végétaux à utiliser au mieux les ressources disponibles de bas en haut, du sol au soleil.
Plus de dix milles espèces vivent dans un même lieu et doivent se partager l'espace et le temps pour coexister.
La lutte pour avoir accès à la lumière et son énergie configure la structure de la forêt.
La végétation vit à différents niveaux ou strates, qui se distinguent et se partagent l'épaisseur forestière.
Nous en voyons quatre de haut en bas :
- la strate arborescente avec la ramure des grands arbres
- la strate arbustive avec ses grands buissons
- la strate herbacée
- la strate muscinale (mousses) qui recouvre le sol.
Les géants arborescents
La strate arborescente est constituée par les houppiers des grands arbres qui étalent leurs branches pour mettre face à la lumière le maximum de feuilles.
La disposition du feuillage est à la fois géométrique et opportuniste. Chaque tête d'arbre se développe en fonction de l'espace qu'il peut conquérir sur ses voisins.
A ce niveau, on rencontre les principales essences forestières, celles que l'on gère pour récoler du bois : chênes, hêtre, érables, merisier, pins, sapin, épicéa, mélèze...
La concurrence y est très vive et les arbres parvenus à l'âge adulte n'ont pas le même statut :
- les dominants ont le houppier qui s'étend amplement dans la canopée (cime de la forêt)
- les dominés ont leur cime plus étroite et subissent une part de l'ombre de leurs voisins.
Statut intermédiaire, les codominants qui se situent entre les dominants et les dominés.
Le savez-vous ? La fable du chêne... et du hêtre
Le développement du hêtre illustre la possibilité qu'ont certaines essences à changer de statut.
Le petit semis de hêtre supporte bien l'ombre sous la futaie des grands chênes.
Dominé, il se développe pourtant jusqu'à atteindre la cime des chênes et acquiert alors le statut de codominant.
Mais pourquoi s'arrêter en si bon chemin, allègrement il dépasse le chêne et lui conquiert son statut de dominant.
Comme quoi, certains prospèrent à l'ombre !
A l’ombre des grands
La strate arbustive, qui s'étend de 1 à 7 mètres de hauteur, est constituée par des arbustes (noisetier, cornouiller, saule, sureau...) ou des jeunes arbres qui forment un sous-étage. Son rôle est très important dans la production de bois de qualité.
Par le « gainage » des troncs de la futaie, ce sous-étage évite la présence de branches basses comme on peut en voir sur les arbres isolés en plaine ou le long des routes. Ceci explique pourquoi les arbres forestiers ont des troncs élancés.
Les forestiers utilisent cet effet de la nature à travers la sylviculture des peuplements.
La biodiversité herbue
La strate herbacée se situe au dessus du sol et est composée des fougères, des plantes à fleurs et des graminées.
A ce niveau, un millième seulement des rayons du soleil parvient à traverser le feuillage pour éclairer le sol.
La diversité herbacée est phénoménale et sa composition est un précieux indicateur de la station écologique. Ainsi la molinie est une graminée qui indique un sol humide et frais.
Au ras du sol
La strate muscinale est la strate la plus fine de la forêt.
Elle est constituée par le tapis des mousses (ou miscinées), des lichens et des champignons.
Ces espèces ont la particularité d'être peu exigeantes en lumière mais sont très dépendantes de la disponibilité en eau.
Sans oublier l’espace du sous-sol
Le sous-sol a lui aussi une structure végétative, même si elle est invisible par sa position sous nos pieds.
Le monde des racines est étagé suivant leurs lieux de prospection.
Certains arbres, comme le hêtre, ont un enracinement superficiel et plutôt horizontal (dit traçant) qui descend sur seulement 50 cm de profondeur.
D'autres, comme le chêne, ont un enracinement qui s'enfonce en profondeur (dit pivotant).
La composition de l'enracinement est aussi une adaptation à la structure du sol (terre, roches et failles).
Partager le temps
La végétation ne pousse pas au même moment, la saison donne le tempo avec la chaleur et la lumière.
Ainsi la nivéole ou perce-neige apparaît fin février dans les forêts feuillues, juste avant que l'étendue du feuillage n'intercepte la lumière.
La pousse progressive des feuilles au printemps est le moment privilégié des plantes à fleurs de la strate herbacée : primevère, anémone sylvie, muguet, jonquilles...
Ces tapis de fleurs seront relayés plus tard par des floraisons bien plus réduites et dispersées.