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Une forêt entièrement détruite par quatre ans de combats

Stratégique compte tenu de sa situation sur la crête des Vosges, à la frontière entre la France et l’Allemagne, le Hartmannswillerkopf devient dès le début de la guerre un enjeu pour les combattants. Couvert d'un peuplement de hêtraie-sapinière avant 1914, le plateau est à nu en 1918.

Après la déclaration de guerre du 3 août 1914, les Français veulent reprendre l’Alsace et la Moselle, toutes deux allemandes depuis 1871. La ligne de crête des Vosges devient alors un enjeu stratégique. Situé à 956,5 m d’altitude, le plateau du Hartmannswillerkopf en fait partie : il offre, depuis le rocher panorama Aussichtsfelsen, une vue plongeante sur la plaine d’Alsace. Cela le rend particulièrement intéressant pour les deux camps et ce, dès 1914.

Photo en noir et blanc de la crête des Vosges
Dès le début de la guerre, du fait de sa position stratégique sur la crête des Vosges, le HWK apparait comme un enjeu stratégique © Loys Roux / fonds Edhisto

Plusieurs noms pour un même site

Hartmannswillerkopf signifie littéralement "la tête", au sens de sommet géographique, d’Hartmannswiller, village situé au pied de la montagne.

Popularisé dès avril 1915 par le journal l’Illustration sous le nom de Vieil Armand, les soldats français l’appellent plus volontiers le Hartmann, le HWK ou "le mangeur d’hommes". Les soldats allemands préfèrent le HK, la "montagne de la mort" ou "la montagne sacrée".

Un lieu tactique qui devient enjeu de puissance

Le HWK est d’abord utilisé pour des raisons tactiques comme observatoire d’artillerie de premier ordre afin de régler les tirs sur la voie ferrée Colmar-Mulhouse. Un premier soldat, allemand, meurt le 30 décembre lors d’un accrochage entre les deux camps. Les premières tombes apparaissent sur le site en janvier 1915. Le HWK est devenu un enjeu de puissance. Les deux armées sont prêtes à se lancer dans de terribles combats pour en prendre possession.

Photo de soldats dans une tranchée
Les combats s’installent en forêt à partir de janvier 1915 © fonds J-C. Fombaron

Une forêt qui résiste mal

Les meilleures troupes françaises et allemandes s’affrontent sur "le mangeur d’hommes" dans les conditions physiques, climatiques et militaires extrêmes qu’impose la guerre en montagne. Dès mars 1915, la forêt commence à disparaître, mettant à nu les défenses de l’adversaire, qui s’accumulent sur le plateau sommital.

Phot de la forêt ravagée par la guerre : arbres morts et calcinés
Le secteur de Sprössersack est en 1915 le lieu d’importants combats, destructeurs pour la forêt © fonds J-C. Fombaron

Des mineurs pour creuser la montagne

Photo de 5 mineurs devant une grotte avec des pioches et une perforatrice
Les mineurs allemands utilisent au besoin une perforatrice pneumatique © fonds J-C. Fombaron

Pour transformer le massif en fourmilière, les Allemands creusent ses pentes en profondeur à partir de 1916. Des bataillons de terrassiers, des compagnies de travailleurs et de mineurs du 56è régiment d’infanterie de Landewehr sont recrutés.

A l’aide de perforatrices électriques et pneumatiques, ils relient les différentes positions entre elles mais aussi à la contre-pente. Ils permettent ainsi aux renforts d’arriver sans danger et de protéger les défenseurs du plateau sommital des tirs d’artillerie, même de gros calibre.

De très nombreux ouvrages

Côté français comme côté allemand, le réseau de tranchées et d’abris se révèle d’une extrême densité. Idéalement située sur le bord nord du plateau, la roche Sermet est ainsi creusée de part en part puis fortifiée pour devenir un bastion français invulnérable.

Des galeries d’abris sur deux niveaux sont reliées par un puits. Des postes de mitrailleuses dirigées vers les positions allemandes y sont installés. Conquise le 23 mars 1915, elle constitue avec la roche Mégard en contrebas, la première ligne française qui ne sera pas reprise par les Allemands.

Photo d'une entrée d'une galerie souterraine
Les ouvrages s’adaptent aux particularités du site : la dureté de la roche volcanique rend facultative l’étayage en bois des galeries souterraines © fonds J-C. Fombaron

Des tranchées françaises renforcées

A quelques exceptions près, les tranchées françaises ne sont pas maçonnées. Le renforcement de la protection est plutôt assuré par l’adjonction de créneaux dans les parapets, en bois ou en "sacs à terre", selon le terme d’époque.

Côté allemand, un réseau labyrinthique et maçonné se met en place, qui ne donne pas beaucoup de visibilité aux soldats sur le camp adverse.

Voir sans être vu

Photo d'un soldat utilisant un périscope
L’utilisation du périscope se développe © fonds Gilbert Wagner

Parvenir à voir les lignes adverses est l’une des grandes difficultés de la guerre de tranchée.

Impossible de s’élever au-dessus du parapet sous peine d’être repéré, or les ouvertures ménagées dans les créneaux n’apportent qu’une vision restreinte du no man’s land. Le périscope devient indispensable pour surveiller les premières lignes françaises.

Des forteresses enterrées côté allemand

En surface ou profondément enterrés, les abris sont très nombreux quel que soit le camp. Le soldat ne doit pas avoir à parcourir plus de quelques mètres dans la tranchée avant de trouver un lieu pour se protéger en cas de tirs d’artillerie. De véritables forteresses, appelées "festen", sont construites par l’armée allemande dans certaines zones.

Photo de la feste Ratz une des forteresses allemandes
La feste Ratz est l’une de ces forteresses allemandes : cette position d’artillerie est dotée de deux salles souterraines © fonds Abri mémoire d’Uffholtz

Une base arrière très organisée

Photo de casernes allemandes dans la forêt
Des casernes sont mises en place côté allemand à l’abri des tirs © fonds J-C. Fombaron

Sur le versant Est du HWK, très abrupt, les Allemands organisent une base arrière très élaborée, quasiment hors d’atteinte de l’artillerie française. Elle abrite un complexe de bâtiments techniques et de casernes qui s’étagent tout au long de la pente.

Au total, 30.000 soldats français et allemands meurent sur le HWK, champ de bataille caractéristique de la guerre de position en montagne. S’ajoutent à ces pertes environ 30.000 autres hommes blessés ou faits prisonniers. Le site est classé monument historique en 1921.