Les forestiers et les champignons
Si les forestiers cohabitent avec les champignons depuis longtemps et sont souvent de bons connaisseurs, la prise de conscience de leur importance, notamment les symbiotiques, pour la survie de la forêt est plus récente. Leur contribution à la biodiversité est notable et les forestiers en tiennent compte dans leurs décisions de gestion.
Des relations en évolution
Les connaissances sur les champignons évoluent petit à petit, et avec elles les comportements des gestionnaires forestiers qui partagent leurs expériences locales. Ce qui suppose aussi un effort tout particulier de pédagogie et de formation.
Plusieurs évolutions ont été constatées :
- d'une part, le développement des techniques de reboisement en utilisant des plants mycorhizés, montre bien l'importance des champignons symbiotiques. Mais la notion de mycorhizes demeure obscure voire chimérique. A ce titre, la photo ci-contre présente une situation à partir d'un plant mycorhizé par Laccaria bicolor.
- les experts du réseau Arbre Conseil® de l'ONF développent un intérêt pour les champignons. Ils s'intéressent à l'identification des champignons lignivores et à leur mécanismes d'action.
- enfin, la prise en compte de la biodiversité à travers les stades âgés de la forêt modifie les interventions sylvicoles par le recrutement d'arbres morts ou d'arbres « bios » porteurs de champignons lignivores (champignonnés) qui auparavant pouvaient être récoltés systématiquement sous forme de chablis.
Les champignons lignivores et la biodiversité
Les principaux champignons responsables des altérations du bois sur pied sont des polypores ou des champignons à lames (pleurotes, pholiotes). Sur les grumes, les champignons responsables des échauffures appartiennent au genre Stereum.
En forêt, les lignivores se développent sur des arbres affaiblis par l'âge ou des conditions de milieu défavorables. Sur ces arbres, les voies d'infestation habituellement constatées sont des nœuds ouverts, les frottures d'abattage ou de débardage, ou encore les blessures accidentelles provoquées par des agents climatiques. Récemment on a mis en évidence que certains champignons étaient endophytes et donc étaient déjà présents à l'intérieur de l'arbre.
Quand l'arbre est affaibli, ses réactions naturelles de défense (écoulement de résine, élaboration de substances phénoliques, multiplication de cellules subéreuses) s'avèrent insuffisantes. Comme vu précédemment, l'arbre cherche à compartimenter le bois atteint et à préserver son cambium.
Devant un arbre « champignonné », il s'agit pour le forestier soit de récolter le bois pour des raisons essentiellement économiques avant qu'il ne soit totalement pourri, soit de laisser l'arbre pour la biodiversité. Il peut être amené aussi à le faire couper pour des raisons de sécurité du fait de la proximité d'équipements touristiques ou de routes.
Les arbres « champignonnés » constituent une des portes d'entrée de la biodiversité. La majorité des cavités des arbres sont dus au départ à des attaques de champignons.

Les champignons peuvent aussi s'attaquer aux bois mis en œuvre et dans ce cas ils ont évidemment mauvaise presse. Mais on peut tout à fait raisonner autrement et considérer qu'ils sont alors indicateurs de désordres dans la construction ou de mauvaises conditions d'hygiène.
Parmi les champignons qui attaquent le bois mis en œuvre, la Mérule (Serpula lacrymans) est sans doute le plus redoutable. Son développement est favorisé par l'humidité et un manque d'aération. Le taux limite d'humidité permettant l'activité du champignon est relativement bas (22%). Ce champignon peut dégrader toutes les essences en donnant une pourriture cubique.
Ce champignon a une réelle importance « historique » puisqu'il a détruit la flotte anglaise de l'amiral Nelson à la fin du XVIIIe siècle.