
Malgré le froid et la pluie, ils sont venus de toute la France pour rejoindre pendant deux jours la forêt d'Agre, située dans le sud-ouest de la France, à quelques kilomètres de Montauban. Ce sont des chercheurs de l'ONF, de l'Inra, de l'Irstea et d'AgroParisTech. Leur sujet d'étude : des chênes sessiles (1), répartis sur cinq surfaces d'analyse mises en place par ces mêmes experts il y a quatre ans dans le cadre d'une première "expédition" partenariale.
Silencieux, la mine concentrée et les yeux alertes, ils parcourent ces surfaces en portant dans leurs mains différents "instruments" : des tablettes, des carnets, des cordons jaunes, des mètres... Lorsqu'on les interroge, ils expliquent que leur mission consiste à appliquer, sur chacune de ces surfaces réparties sur un hectare, une "gestion spécifique de la densité d'un peuplement forestier afin de mesurer l'incidence de cette gestion sur la croissance des arbres".
Un travail scientifique complexe qui vise pourtant une déclinaison très concrète : garantir à très long terme la bonne exploitation des ressources forestières et donc la pérennité des forêts françaises. "L'analyse de ces dispositifs doit nous permettre d'aboutir à des modèles de sylviculture adaptés, qui seront capables notamment de répondre aux évolutions du changement climatique", explique Lucie Arnaudet, responsable du pôle RDI de Boigny-sur-Bionne à l'ONF et co-pilote du groupe Chêne.
Cinq scénarios testés
Concrètement, à chaque surface d'analyse est appliqué un scénario de traitement qui définit la densité du peuplement forestier. Cinq scénarios de densité ont été définis (voir encadré). Ils se répartissent entre deux extrêmes: une surface en croissance libre, sans intervention humaine, et une surface où les arbres sont volontairement très espacés les uns par rapport aux autres. Les trois autres surfaces représentent des valeurs intermédiaires. Un protocole définit alors les facteurs à tester, les types de mesures à effectuer et les périodicités de mesures.

Des mesures effectuées tous les quatre ans
Tous les arbres sont étiquetés avec un numéro unique. Recensement de leur circonférence, état sanitaire, hauteur d'un échantillon d'arbre, hauteur des branches vertes... Tout est analysé à la loupe par les chercheurs sur la base de mesures effectuées tous les quatre ans en deux passages : l'un en hiver, l'autre en été. "En fonction du scénario appliqué, nous vérifions si une coupe d'arbre est nécessaire afin d'être certains de conserver la même configuration à horizon de quatre ans", explique Claudine Richter, responsable du pôle recherche développement et innovation de l'ONF à Fontainebleau.
Dans quatre ans, l'équipe se rendra à nouveau dans la forêt d'Agre pour poursuivre l'analyse et tenter de mieux comprendre les évolutions constatées sur ces peuplements forestiers. Un travail essentiel pour l'ONF, garant de la gestion durable des 11 millions d'hectares de forêts publiques françaises.

Six itinéraires expérimentaux
Le protocole définit six types d'itinéraires fondés sur l'évolution de l'indice de densité relative (RDI) qui représente un indice de compétition au sein d'un peuplement.
Le RDI 0 représente une croissance libre, les arbres sont très écartés les uns des autres et n'ont pas de concurrence entre eux. A l'opposé le RDI 1 représente la dynamique naturelle sans intervention humaine.
Deux itinéraires à RDI constants, le RDI 0,25 avec un niveau d'intervention important et le RDI 0,50 qui se rapproche des préconisations actuelles de gestion forestière. Enfin, un itinéraire RDI croissant, où l'on intervient fortement dans la jeunesse du peuplement avant de le laisser croitre, et un itinéraire RDI décroissant, dans lequel on intervient très régulièrement pour faire baisser la densité du peuplement.
Créé en 1995, le groupe chêne compte 22 dispositifs représentant environ 85 hectares au niveau national. Il est composé de quatre organismes de recherche : l'Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement (AgroParisTech); l'Institut national de la recherche agronomique (INRA); l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea) et l'Office national des forêts (ONF) qui en assure la coordination. La cellule technique de l'INRA apporte un appui technique et scientifique.